Histoire
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Peu de gens connaissent l'histoire de la marque de moteurs ayant acquis le plus grand nombre de victoires en Formule 1. Seuls les connaisseurs associent Cosworth au fameux moteur V8, qui a surpassé les moteurs Ferrari, Mac Laren ou Williams en compétition. Qui se cache derrière cet acronyme, quelles furent les étapes de la saga jusqu'à la construction des Sierra et Escort Cosworth, les seules voitures de route à ce jour à porter le fabuleux nom de Cosworth ?
I. La naissance de Cosworth
Mike Costin et Keith Duckworth, les fondateurs
Né le 10 juillet 1929 dans une famille de trois garçons et une fille, d'un père marbrier, Mike Costin adorait bricoler son vélo puis des motos dans sa jeunesse. Il fit des études comme apprenti qui le menèrent au diplôme d'ingénieur aéronautique en cours du soir. Il décrocha un emploi chez l'avionneur de Havilland Aircraft, où il travailla comme concepteur de 1951 à 1955. Il était spécialiste des avions légers, qu'il aime toujours piloter. Il commença toutefois à collaborer avec l'usine Lotus Engineering dès 1953, le soir de 18 heures à une heure du matin en accord avec le colérique et inventif Colin Chapman. Il y fut embauché à plein temps à partir de 1955. De 1956 à 1962, il occupa le poste de Directeur technique dans la filiale Lotus Cars. Il conçut en particulier le moteur de la Lotus Mk 6S, une voiture de compétition-client prévue pour financer les activités de l'écurie officielle de Colin Chapman. Mais il construisit aussi le moteur des voitures de course de Colin Chapman, qui le payait alors en... litres d'essence ! Dès cette époque, Mike Costin se passionna pour la course automobile, qu'il pratiqua en talentueux pilote sur des Lotus à moteur 1172 cm3. D'un caractère concret, Mike Costin était un as de la mécanique, doté d'un solide sens pratique. Son frère aîné Frank Costin (* 1920) fut aussi un talentueux aérodynamicien chez Lotus, et plus tard il fonda la firme de voitures de sport Marcos.
De son côté, Keith Duckworth naquit en 1933 dans une famille de petits industriels du textile. Dans son enfance, il adorait réaliser des maquettes. En 1944, il perdit son père, un passionné de voitures de sport à la vie confortable. Jeune, Keith Duckworth prit l'habitude d'une grande indépendance d'esprit, sur la religion, sur les habitudes sociales, sur le sport national qu'est le cricket, sur la discipline à l'école ou à l'armée. Avant de décéder, son père eut le temps de construire un atelier derrière la maison familiale, que le jeune Keith fréquenta assidûment. A 16 ans, il construisit son premier modèle d'avion radiocommandé. Peu après, il s'acheta une moto BSA 250, dont il refit le moteur en remplaçant lui-même les soupapes. Après un bac de maths-physique-chimie à 17 ans, il entreprit des études de mécanique théorique à Londres et un service national dans l'armée de l'air. Au milieu des années 1950, à 22-23 ans, il s'acheta une Lotus 6 en kit et la monta lui-même avec un moteur Coventry-Climax et une boîte de vitesses MG avec des arbres Ford, ce qui était un assemblage audacieux. Repéré pour son inventivité, il devint en 1957 ingénieur chargé du développement des transmissions chez Lotus. Il passait déjà pour un génie du dessin industriel, un bourreau de travail, un pilote d'hélicoptère frustré. Doté du sens des affaires, combatif, Keith Duckworth est toujours très doué pour l'analyse des problèmes de fonctionnement des moteurs et de leurs possibilités de développement.
La rencontre
C'est chez Lotus au milieu des années 1950 que Mike Costin et Keith Duckworth firent connaissance, lorsque Keith venait chercher des pièces pour son kit, lors d'une de ses visites intermittentes. Il y passa même un été entier, négligeant les révisions pour ses examens. Leur point commun fut bien sûr la mécanique, mais plus particulièrement l'aviation. Ils devinrent bons amis. Keith Duckworth commença chez Lotus dans l'atelier des boîtes de vitesses avec Graham Hill qui n'était pas encore pilote à plein temps. Celui-ci partit pour devenir pilote professionnel à l'automne 1957 et Colin Chapman embaucha Keith à sa place pour 600 £ par an (un moteur Coventry Climax coûtait alors dans les 250 £). A ce poste, il proposa à Colin Chapman une solution définitive à un lancinant problème de casse de pignons de boîte en améliorant la lubrification interne. Le refus de Chapman de faire évoluer le mode de fabrication des pignons déçut Keith, mais celui-ci avait fait la preuve de sa brillante capacité à remettre en cause des solutions figées. De son côté, Mike Costin, superviseur des tests des voiture de course de Lotus regrettait de ne plus voir sa famille, sans grande contrepartie financière. Alors Mike Costin le brillant pilote et Keith Duckworth l'astucieux concepteur décidèrent de s'allier pour développer des solutions ailleurs que chez Lotus. A l'été 1958, ils décidèrent de fonder une société au nom composé d'une syllabe de leurs patronymes respectifs: COStin et DuckWORTH. Ainsi naquit Cosworth.
II. Les succès en Formule 1
Les débuts laborieux
Pendant plusieurs années, Mike Costin et Keith Duckworth se bornèrent à optimiser des moteurs de série, à fignoler des solutions existantes. Colin Chapman fut réticent à laisser partir Mike Costin, mais finalement la séparation s'opéra sans trop d'éclats au début des années 1960. Malgré ces débuts laborieux dans des fonds de garages partagés avec d'autres mécaniciens bien moins doués, Mike et Keith finirent par se constituer une petite réputation parmi les innombrables préparateurs de voitures de course de deuxième série. Ils sont alors les spécialistes attitrés de Ford pour la préparation de moteur de compétition en F 2 et en F 3, moteur peu inventifs à la base mais solides. De nombreux pilotes peu fortunés leur font confiance : les moteurs Cosworth ne cassent pas.
Une proposition alléchante
Au bout de quelques années, Colin Chapman toujours patron de Lotus se souvint de ses anciens mécaniciens Costin et Duckworth. Autant il excellait dans l'art de concevoir des châssis et des carrosseries pour les formules 1, autant il piétinait sur la question des motorisations, en particulier sur le problème de la fiabilité. Certes ses Lotus, animées par des moteurs Climax Cooper, avaient remporté un certain nombre de succès, grâce au panache de son pilote fétiche, Jim Clark. Entre 1962 et 1965, elles avaient remporté deux titres de champion du monde des conducteurs et des constructeurs mais les moteurs Climax 2 litres manquaient de fiabilité. Les podiums s'étaient faits de plus en plus rares. Il en parla au responsable des relations publiques de Ford en Grande-Bretagne, un certain Walter Hayes. Celui-ci aussi connaissait la bonne réputation de la précaire petite entreprise Cosworth, parmi toutes celles qui gravitaient autour de Ford en Angleterre. Le déclic survint en 1966. Colin Chapman s'allia officiellement avec le constructeur américain Ford et Mike Costin et Keith Duckworth pour mettre au point un moteur qui a révolutionné la Formule 1 : le Cosworth DFV.
Dès 1965, Chapman avait demandé à Duckworth s'il était en mesure de concevoir un moteur de Formule 1 et à quel prix. Le motoriste répondit par l'affirmative et estima le coût d'une telle opération à 100 000 livres environ (230 000 de nos euros actuels). Le problème fut alors de convaincre Ford d'investir ses propres deniers dans l'aventure. Chapman parvint à persuader Walter Hayes. Hayes finança et cautionna le projet, et alla même jusqu'à plaider en sa faveur à Detroit auprès de Henry Ford II en personne. Le conseil d'administration donna rapidement son accord pour l'opération, et débloqua les 100 000 livres nécessaires pour la réalisation et le développement d'un moteur de Formule 1 par Cosworth.
C'était un moteur à la fois puissant et souple. Colin Chapman en rêvait depuis des années. Pour sa réalisation, Keith Duckworth partit du quatre-cylindres de la Ford Cortina. Accouplé à un second quatre-cylindres, le Cosworth se transforma en un redoutable huit-cylindres en V dont les rugissements propulsèrent Cosworth au sommet de la gloire lors de la saison 1967 avec la Lotus 49 à moteur Ford-Cosworth pilotée par l'inoubliable Jim Clark.
Le succès
Le moteur Cosworth inonda immédiatement le marché après l'exclusivité d'un an accordée à l'écurie Lotus. Exceptée la Scuderia Ferrari, toutes les grandes écuries de l'époque utilisèrent cette fantastique mécanique à la fois fiable et simple d'utilisation. Afin de rentabiliser son investissement, Ford demanda à Colin Chapman d'engager un deuxième pilote de talent au coté de Jim Clark. Il s'appelait Graham Hill, père de Damon Hill, c'était l'ancien mécanicien de l'écurie Lotus devenu pilote en 1958 et qui avait remporté le championnat du monde en 1962. Tout cela formait quasiment une affaire familiale autour de Colin Chapman, depuis les motoristes au concepteur du châssis jusqu'au pilote ! De 1967 à 1983, le motoriste Cosworth remporta 155 victoires en Grand Prix. Il fallut attendre la fin des années 70 et l'arrivée des moteurs à turbo-compresseur de Renault, Tag-Porsche, Honda, BMW et Ferrari pour stopper la suprématie du Cosworth.
III. Les voitures de tourisme
L'impératif de la diversification
Les liens privilégiés dès l'origine avec Ford n'ont pas empêché Cosworth de se diversifier, dans un souci de sécurité économique bien compréhensible. A côté du travail de conception, développement et fabrication des moteurs de Formule 1, Mike Costin et Keith Duckworth qui étaient désormais à la tête d'une entreprise moyenne proposèrent leurs services à des sociétés autres que Ford. Le souci de loyauté leur interdit de travailler sur des moteurs autres que Ford en Formule 1. En revanche, rien ne leur interdisait de réfléchir à des adaptations des solutions éprouvées en Formule 1 sur des voitures de série (très) améliorées. Voilà comment naquit un département de conception industrielle (engeneering) au sein de l'entreprise Cosworth au début des années 1970.
Il s'agissait prioritairement de préparer des autos de compétition, comme la Ford Escort RS 1600 vainqueur du RAC Rallye de 1972 entre les mains de Roger Clark. Ou bien encore des Ford Capri de circuit à moteur V6 GA de 3,4 litres procurant 400 chevaux en 1974. La crise du pétrole de 1973 empêcha une véritable diffusion de ces solutions de compétition vers des voitures de série. Quelques voitures destinées au marché américain subirent quelques retouches du bureau d'étude Cosworth comme le coupé Chevrolet Cosworth-Vega au milieu des années 1970, doté d'un moteur quatre cylindres à double arbre à cames dérivé du 2,3 de Formule 2, malheureusement fragile.
Dans les années 1977/78, une nouvelle tentative porta sur une voiture du groupe General Motors, appelée Vauxhall en Angleterre, Opel sur le continent. Il s'agissait de la Chevette HS, une Opel Kadett (type C) deux portes dotée d'un moteur à quatres cylindres survitaminé de 2,3 litres qui ne laissa pas un souvenir impérissable. En revanche, cela ouvrit les portes du département sportif d'Opel qui mandata Cosworth pour concevoir le moteur des Ascona 400, ancêtres des fameuses Manta 400. Cosworth en tira 280 chevaux, une puissance très honorable pour un moteur pas très éloigné de la série.
La réputation de Cosworth engeneering était devenue telle à la fin des années 1970 que Mercedes-Benz sollicita la petite firme installée à Northampton depuis le milieu des années 1960. Il s'agissait de redynamiser l'image cossue mais endormie de la marque allemande. Son programme de rallyes était jusqu'alors fondé sur l'exploitation de coûteux modèles coupés 450 SLC ou 500 SLC. Chaque sortie de route grevait sévèrement le budget. Plier de telles caisses finit par coûter cher à la maison-mère. Il s'agissait donc de trouver une solution alternative au coûteux programme de voitures de rallyes en s'appuyant sur un modèle plus accessible de la gamme. Voilà comment au début des années 1980, Cosworth engeneering se pencha sur la nouvelle petite Mercedes 190. En septembre 1983, Cosworth présenta sa copie : une Mercedes 190 E 2,3 litres à 16 soupapes. C'était en réalité le premier véritable contrat de Cosworth pour concevoir un moteur de voiture de série. Les moteurs étaient construits dans une usine anglaise à Wellingborrough puis envoyés en Allemagne pour le montage dans une caisse parée de pare-chocs et bas de caisse spécifiques. L'aileron achevait de donner un style qui surprit la clientèle habituelle de la marque à l'étoile. Pire, à la fin des années 1980, la cylindrée fut portée à 2,5 litres et en 1989 un modèle Evolution servit même de base à la version super-tourisme. Dans un souci de préservation réciproque, la marque Cosworth ne fut jamais apposée sur cette voiture constrite à plusieurs milliers d'exemplaires qui dépassait les 300 000 francs à la fin des années 1980.
Parallèlement, en compétition, vers 1984-1985, Cosworth conçut l'Austin MG Metro 6R4, dotée d'un moteur à six cylindres en V atmosphérique et de quatre roues motrices. Elle était néanmoins très efficace en rallye, en particulier sur sol gras, par son couple et par sa transmission intégrale de type Groupe B. Sa compacité lui permit aussi de briller sur la glace. Une fois de plus Cosworth se signalait par son savoir-faire axé sur la compétition.
Les inquiétudes de Ford
Ford qui continuait d'être le principal pourvoyeur de contrats de moteurs de Formule 1 sentait bien que son prestataire Cosworth travaillait sur différentes pistes pour des voitures de tourisme, au risque de diluer l'identité de marque Ford-Cosworth. Quoique Cosworth ait toujours refusé d'accoler son nom à une Opel, une Mercedes ou une Austin, Ford sentait bien que son allié s'émancipait vers des voies prometteuses. C'est dans ce contexte que Ford proposa à son partenaire au milieu des années 1980 une alliance à la fois technique et industrielle : sortir une version très évoluée d'un modèle de la gamme de tourisme de Ford.
Ford proposa à Cosworth de se faire la main sur le moteur de la voiture de rallye de Groupe B, la rare Ford RS 200. Voiture sans doute prometteuse, elle n'eut pas le temps de confirmer son potentiel comparable à celui de la Peugeot 205 T 16. En effet, le tragique accident du pilote Lancia Henri Toivonen en Corse signa l'arrêt de mort du groupe B à la fin de l'année 1986. Immédiatement, Ford proposa un objectif de rechange : faire évoluer l'insipide Ford Sierra vers une voiture susceptible de prendre le relais de la RS 200 dans la catégorie désormais vedette en rallye, le groupe A. Voici donc comment en 1986 naquit la Sierra RS Cosworth, sur la base de la Sierra 3 portes.
La saga des Sierra et Escort Cosworth
C'était le début de la saga des Ford Cosworth de route. Elles avaient toutes en commun le moteur YB 2 litres nanti d'un turbo-compresseur Garret, délivrant de 204 à 227 chevaux en version route, jusqu'à 500, voire 700 chevaux en version poussée. En 1987, la Sierra RS Cosworth subit une évolution en nombre limité, la fameuse RS 500 destinée à être la base de la version compétition circuit. L'une et l'autre se signalaient par un aileron arrière démesuré. Après deux ans de bons et loyaux services, la Sierra 3 portes laissa la place à la Sierra quatre portes pour des raisons de discrétion et de marketing en 1988. Pour des raisons plus nobles de tenue de route, ce modèle adopta la transmission à quatre roues motrices en 1990. Sur cette base et toujours avec le même moteur à peine évolué, apparut en 1992 l'Escort Cosworth, qui n'avait pas grand chose d'une Escort et n'était rien d'autre qu'une Sierra raccourcie à fin d'efficacité supérieure en rallye. Elle fut construite jusqu'en 1996. Les différentes versions de course de ces voitures ont semé la terreur pendant plus de dix ans sur les circuits et sur les rallyes. Elles continuent d'être de redoutables machines à gagner, à l'instar du dernier champion de France des rallyes 2001 Gérard Maurin, sur Escort Cosworth groupe A. Sur la route, elles demeurent parmi les meilleures Grand Tourisme jamais construites.
Conclusion :
Aujourd'hui, la société Cosworth existe toujours. Le groupe Carlton dans les années 1980, puis le groupe Vickers (Rolls-Royce) en 1990 en devinrent successivement actionnaire majoritaire, afin d'en assurer la pérennité. En 1988, Keith Duckworth, longtemps principal actionnaire prit sa retraite. Mike Costin se retira à son tour en 1990. L'un et l'autre continuent de suivre le fonctionnement du département compétition de leur entreprise. En 1998, la partie compétition a été rachetée par Ford, la partie engeneering étant cédée à Audi. Cosworth Racing équipe trois écuries de Formule 1. L'écurie Stewart-Jaguar (autre fleuron du groupe Ford), qui dispose d'un V10 d'usine inédit. Et deux écuries de fond de grille, Tyrell et Minardi, qui, elles, disposent d'un V10 Zetec ' client ' beaucoup moins compétitif. Si aujourd'hui le motoriste Cosworth a perdu sa suprématie en F1, il reste, avec Ferrari, l'un des plus anciens partenaires de la discipline reine du sport automobile. Et l'histoire n'est pas finie. Ford a bien l'ambition de renouer avec le succès, grâce à l'écurie de Jacky Stewart. Cosworth s'est naguère penché sur le moteur de la Ford Focus de rallye WRC, avec quelques beaux succès entre les mains notamment du pilote Carlos Sainz. Quant aux voitures de route, Cosworth y a renoncé pour l'instant. Pour longtemps ?
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Cosworth, une fabuleuse histoire
Par Alain S.
Par Alain S.
Peu de gens connaissent l'histoire de la marque de moteurs ayant acquis le plus grand nombre de victoires en Formule 1. Seuls les connaisseurs associent Cosworth au fameux moteur V8, qui a surpassé les moteurs Ferrari, Mac Laren ou Williams en compétition. Qui se cache derrière cet acronyme, quelles furent les étapes de la saga jusqu'à la construction des Sierra et Escort Cosworth, les seules voitures de route à ce jour à porter le fabuleux nom de Cosworth ?
I. La naissance de Cosworth
Mike Costin et Keith Duckworth, les fondateurs
Né le 10 juillet 1929 dans une famille de trois garçons et une fille, d'un père marbrier, Mike Costin adorait bricoler son vélo puis des motos dans sa jeunesse. Il fit des études comme apprenti qui le menèrent au diplôme d'ingénieur aéronautique en cours du soir. Il décrocha un emploi chez l'avionneur de Havilland Aircraft, où il travailla comme concepteur de 1951 à 1955. Il était spécialiste des avions légers, qu'il aime toujours piloter. Il commença toutefois à collaborer avec l'usine Lotus Engineering dès 1953, le soir de 18 heures à une heure du matin en accord avec le colérique et inventif Colin Chapman. Il y fut embauché à plein temps à partir de 1955. De 1956 à 1962, il occupa le poste de Directeur technique dans la filiale Lotus Cars. Il conçut en particulier le moteur de la Lotus Mk 6S, une voiture de compétition-client prévue pour financer les activités de l'écurie officielle de Colin Chapman. Mais il construisit aussi le moteur des voitures de course de Colin Chapman, qui le payait alors en... litres d'essence ! Dès cette époque, Mike Costin se passionna pour la course automobile, qu'il pratiqua en talentueux pilote sur des Lotus à moteur 1172 cm3. D'un caractère concret, Mike Costin était un as de la mécanique, doté d'un solide sens pratique. Son frère aîné Frank Costin (* 1920) fut aussi un talentueux aérodynamicien chez Lotus, et plus tard il fonda la firme de voitures de sport Marcos.
De son côté, Keith Duckworth naquit en 1933 dans une famille de petits industriels du textile. Dans son enfance, il adorait réaliser des maquettes. En 1944, il perdit son père, un passionné de voitures de sport à la vie confortable. Jeune, Keith Duckworth prit l'habitude d'une grande indépendance d'esprit, sur la religion, sur les habitudes sociales, sur le sport national qu'est le cricket, sur la discipline à l'école ou à l'armée. Avant de décéder, son père eut le temps de construire un atelier derrière la maison familiale, que le jeune Keith fréquenta assidûment. A 16 ans, il construisit son premier modèle d'avion radiocommandé. Peu après, il s'acheta une moto BSA 250, dont il refit le moteur en remplaçant lui-même les soupapes. Après un bac de maths-physique-chimie à 17 ans, il entreprit des études de mécanique théorique à Londres et un service national dans l'armée de l'air. Au milieu des années 1950, à 22-23 ans, il s'acheta une Lotus 6 en kit et la monta lui-même avec un moteur Coventry-Climax et une boîte de vitesses MG avec des arbres Ford, ce qui était un assemblage audacieux. Repéré pour son inventivité, il devint en 1957 ingénieur chargé du développement des transmissions chez Lotus. Il passait déjà pour un génie du dessin industriel, un bourreau de travail, un pilote d'hélicoptère frustré. Doté du sens des affaires, combatif, Keith Duckworth est toujours très doué pour l'analyse des problèmes de fonctionnement des moteurs et de leurs possibilités de développement.
La rencontre
C'est chez Lotus au milieu des années 1950 que Mike Costin et Keith Duckworth firent connaissance, lorsque Keith venait chercher des pièces pour son kit, lors d'une de ses visites intermittentes. Il y passa même un été entier, négligeant les révisions pour ses examens. Leur point commun fut bien sûr la mécanique, mais plus particulièrement l'aviation. Ils devinrent bons amis. Keith Duckworth commença chez Lotus dans l'atelier des boîtes de vitesses avec Graham Hill qui n'était pas encore pilote à plein temps. Celui-ci partit pour devenir pilote professionnel à l'automne 1957 et Colin Chapman embaucha Keith à sa place pour 600 £ par an (un moteur Coventry Climax coûtait alors dans les 250 £). A ce poste, il proposa à Colin Chapman une solution définitive à un lancinant problème de casse de pignons de boîte en améliorant la lubrification interne. Le refus de Chapman de faire évoluer le mode de fabrication des pignons déçut Keith, mais celui-ci avait fait la preuve de sa brillante capacité à remettre en cause des solutions figées. De son côté, Mike Costin, superviseur des tests des voiture de course de Lotus regrettait de ne plus voir sa famille, sans grande contrepartie financière. Alors Mike Costin le brillant pilote et Keith Duckworth l'astucieux concepteur décidèrent de s'allier pour développer des solutions ailleurs que chez Lotus. A l'été 1958, ils décidèrent de fonder une société au nom composé d'une syllabe de leurs patronymes respectifs: COStin et DuckWORTH. Ainsi naquit Cosworth.
II. Les succès en Formule 1
Les débuts laborieux
Pendant plusieurs années, Mike Costin et Keith Duckworth se bornèrent à optimiser des moteurs de série, à fignoler des solutions existantes. Colin Chapman fut réticent à laisser partir Mike Costin, mais finalement la séparation s'opéra sans trop d'éclats au début des années 1960. Malgré ces débuts laborieux dans des fonds de garages partagés avec d'autres mécaniciens bien moins doués, Mike et Keith finirent par se constituer une petite réputation parmi les innombrables préparateurs de voitures de course de deuxième série. Ils sont alors les spécialistes attitrés de Ford pour la préparation de moteur de compétition en F 2 et en F 3, moteur peu inventifs à la base mais solides. De nombreux pilotes peu fortunés leur font confiance : les moteurs Cosworth ne cassent pas.
Une proposition alléchante
Au bout de quelques années, Colin Chapman toujours patron de Lotus se souvint de ses anciens mécaniciens Costin et Duckworth. Autant il excellait dans l'art de concevoir des châssis et des carrosseries pour les formules 1, autant il piétinait sur la question des motorisations, en particulier sur le problème de la fiabilité. Certes ses Lotus, animées par des moteurs Climax Cooper, avaient remporté un certain nombre de succès, grâce au panache de son pilote fétiche, Jim Clark. Entre 1962 et 1965, elles avaient remporté deux titres de champion du monde des conducteurs et des constructeurs mais les moteurs Climax 2 litres manquaient de fiabilité. Les podiums s'étaient faits de plus en plus rares. Il en parla au responsable des relations publiques de Ford en Grande-Bretagne, un certain Walter Hayes. Celui-ci aussi connaissait la bonne réputation de la précaire petite entreprise Cosworth, parmi toutes celles qui gravitaient autour de Ford en Angleterre. Le déclic survint en 1966. Colin Chapman s'allia officiellement avec le constructeur américain Ford et Mike Costin et Keith Duckworth pour mettre au point un moteur qui a révolutionné la Formule 1 : le Cosworth DFV.
Dès 1965, Chapman avait demandé à Duckworth s'il était en mesure de concevoir un moteur de Formule 1 et à quel prix. Le motoriste répondit par l'affirmative et estima le coût d'une telle opération à 100 000 livres environ (230 000 de nos euros actuels). Le problème fut alors de convaincre Ford d'investir ses propres deniers dans l'aventure. Chapman parvint à persuader Walter Hayes. Hayes finança et cautionna le projet, et alla même jusqu'à plaider en sa faveur à Detroit auprès de Henry Ford II en personne. Le conseil d'administration donna rapidement son accord pour l'opération, et débloqua les 100 000 livres nécessaires pour la réalisation et le développement d'un moteur de Formule 1 par Cosworth.
C'était un moteur à la fois puissant et souple. Colin Chapman en rêvait depuis des années. Pour sa réalisation, Keith Duckworth partit du quatre-cylindres de la Ford Cortina. Accouplé à un second quatre-cylindres, le Cosworth se transforma en un redoutable huit-cylindres en V dont les rugissements propulsèrent Cosworth au sommet de la gloire lors de la saison 1967 avec la Lotus 49 à moteur Ford-Cosworth pilotée par l'inoubliable Jim Clark.
Le succès
Le moteur Cosworth inonda immédiatement le marché après l'exclusivité d'un an accordée à l'écurie Lotus. Exceptée la Scuderia Ferrari, toutes les grandes écuries de l'époque utilisèrent cette fantastique mécanique à la fois fiable et simple d'utilisation. Afin de rentabiliser son investissement, Ford demanda à Colin Chapman d'engager un deuxième pilote de talent au coté de Jim Clark. Il s'appelait Graham Hill, père de Damon Hill, c'était l'ancien mécanicien de l'écurie Lotus devenu pilote en 1958 et qui avait remporté le championnat du monde en 1962. Tout cela formait quasiment une affaire familiale autour de Colin Chapman, depuis les motoristes au concepteur du châssis jusqu'au pilote ! De 1967 à 1983, le motoriste Cosworth remporta 155 victoires en Grand Prix. Il fallut attendre la fin des années 70 et l'arrivée des moteurs à turbo-compresseur de Renault, Tag-Porsche, Honda, BMW et Ferrari pour stopper la suprématie du Cosworth.
III. Les voitures de tourisme
L'impératif de la diversification
Les liens privilégiés dès l'origine avec Ford n'ont pas empêché Cosworth de se diversifier, dans un souci de sécurité économique bien compréhensible. A côté du travail de conception, développement et fabrication des moteurs de Formule 1, Mike Costin et Keith Duckworth qui étaient désormais à la tête d'une entreprise moyenne proposèrent leurs services à des sociétés autres que Ford. Le souci de loyauté leur interdit de travailler sur des moteurs autres que Ford en Formule 1. En revanche, rien ne leur interdisait de réfléchir à des adaptations des solutions éprouvées en Formule 1 sur des voitures de série (très) améliorées. Voilà comment naquit un département de conception industrielle (engeneering) au sein de l'entreprise Cosworth au début des années 1970.
Il s'agissait prioritairement de préparer des autos de compétition, comme la Ford Escort RS 1600 vainqueur du RAC Rallye de 1972 entre les mains de Roger Clark. Ou bien encore des Ford Capri de circuit à moteur V6 GA de 3,4 litres procurant 400 chevaux en 1974. La crise du pétrole de 1973 empêcha une véritable diffusion de ces solutions de compétition vers des voitures de série. Quelques voitures destinées au marché américain subirent quelques retouches du bureau d'étude Cosworth comme le coupé Chevrolet Cosworth-Vega au milieu des années 1970, doté d'un moteur quatre cylindres à double arbre à cames dérivé du 2,3 de Formule 2, malheureusement fragile.
Dans les années 1977/78, une nouvelle tentative porta sur une voiture du groupe General Motors, appelée Vauxhall en Angleterre, Opel sur le continent. Il s'agissait de la Chevette HS, une Opel Kadett (type C) deux portes dotée d'un moteur à quatres cylindres survitaminé de 2,3 litres qui ne laissa pas un souvenir impérissable. En revanche, cela ouvrit les portes du département sportif d'Opel qui mandata Cosworth pour concevoir le moteur des Ascona 400, ancêtres des fameuses Manta 400. Cosworth en tira 280 chevaux, une puissance très honorable pour un moteur pas très éloigné de la série.
La réputation de Cosworth engeneering était devenue telle à la fin des années 1970 que Mercedes-Benz sollicita la petite firme installée à Northampton depuis le milieu des années 1960. Il s'agissait de redynamiser l'image cossue mais endormie de la marque allemande. Son programme de rallyes était jusqu'alors fondé sur l'exploitation de coûteux modèles coupés 450 SLC ou 500 SLC. Chaque sortie de route grevait sévèrement le budget. Plier de telles caisses finit par coûter cher à la maison-mère. Il s'agissait donc de trouver une solution alternative au coûteux programme de voitures de rallyes en s'appuyant sur un modèle plus accessible de la gamme. Voilà comment au début des années 1980, Cosworth engeneering se pencha sur la nouvelle petite Mercedes 190. En septembre 1983, Cosworth présenta sa copie : une Mercedes 190 E 2,3 litres à 16 soupapes. C'était en réalité le premier véritable contrat de Cosworth pour concevoir un moteur de voiture de série. Les moteurs étaient construits dans une usine anglaise à Wellingborrough puis envoyés en Allemagne pour le montage dans une caisse parée de pare-chocs et bas de caisse spécifiques. L'aileron achevait de donner un style qui surprit la clientèle habituelle de la marque à l'étoile. Pire, à la fin des années 1980, la cylindrée fut portée à 2,5 litres et en 1989 un modèle Evolution servit même de base à la version super-tourisme. Dans un souci de préservation réciproque, la marque Cosworth ne fut jamais apposée sur cette voiture constrite à plusieurs milliers d'exemplaires qui dépassait les 300 000 francs à la fin des années 1980.
Parallèlement, en compétition, vers 1984-1985, Cosworth conçut l'Austin MG Metro 6R4, dotée d'un moteur à six cylindres en V atmosphérique et de quatre roues motrices. Elle était néanmoins très efficace en rallye, en particulier sur sol gras, par son couple et par sa transmission intégrale de type Groupe B. Sa compacité lui permit aussi de briller sur la glace. Une fois de plus Cosworth se signalait par son savoir-faire axé sur la compétition.
Les inquiétudes de Ford
Ford qui continuait d'être le principal pourvoyeur de contrats de moteurs de Formule 1 sentait bien que son prestataire Cosworth travaillait sur différentes pistes pour des voitures de tourisme, au risque de diluer l'identité de marque Ford-Cosworth. Quoique Cosworth ait toujours refusé d'accoler son nom à une Opel, une Mercedes ou une Austin, Ford sentait bien que son allié s'émancipait vers des voies prometteuses. C'est dans ce contexte que Ford proposa à son partenaire au milieu des années 1980 une alliance à la fois technique et industrielle : sortir une version très évoluée d'un modèle de la gamme de tourisme de Ford.
Ford proposa à Cosworth de se faire la main sur le moteur de la voiture de rallye de Groupe B, la rare Ford RS 200. Voiture sans doute prometteuse, elle n'eut pas le temps de confirmer son potentiel comparable à celui de la Peugeot 205 T 16. En effet, le tragique accident du pilote Lancia Henri Toivonen en Corse signa l'arrêt de mort du groupe B à la fin de l'année 1986. Immédiatement, Ford proposa un objectif de rechange : faire évoluer l'insipide Ford Sierra vers une voiture susceptible de prendre le relais de la RS 200 dans la catégorie désormais vedette en rallye, le groupe A. Voici donc comment en 1986 naquit la Sierra RS Cosworth, sur la base de la Sierra 3 portes.
La saga des Sierra et Escort Cosworth
C'était le début de la saga des Ford Cosworth de route. Elles avaient toutes en commun le moteur YB 2 litres nanti d'un turbo-compresseur Garret, délivrant de 204 à 227 chevaux en version route, jusqu'à 500, voire 700 chevaux en version poussée. En 1987, la Sierra RS Cosworth subit une évolution en nombre limité, la fameuse RS 500 destinée à être la base de la version compétition circuit. L'une et l'autre se signalaient par un aileron arrière démesuré. Après deux ans de bons et loyaux services, la Sierra 3 portes laissa la place à la Sierra quatre portes pour des raisons de discrétion et de marketing en 1988. Pour des raisons plus nobles de tenue de route, ce modèle adopta la transmission à quatre roues motrices en 1990. Sur cette base et toujours avec le même moteur à peine évolué, apparut en 1992 l'Escort Cosworth, qui n'avait pas grand chose d'une Escort et n'était rien d'autre qu'une Sierra raccourcie à fin d'efficacité supérieure en rallye. Elle fut construite jusqu'en 1996. Les différentes versions de course de ces voitures ont semé la terreur pendant plus de dix ans sur les circuits et sur les rallyes. Elles continuent d'être de redoutables machines à gagner, à l'instar du dernier champion de France des rallyes 2001 Gérard Maurin, sur Escort Cosworth groupe A. Sur la route, elles demeurent parmi les meilleures Grand Tourisme jamais construites.
Conclusion :
Aujourd'hui, la société Cosworth existe toujours. Le groupe Carlton dans les années 1980, puis le groupe Vickers (Rolls-Royce) en 1990 en devinrent successivement actionnaire majoritaire, afin d'en assurer la pérennité. En 1988, Keith Duckworth, longtemps principal actionnaire prit sa retraite. Mike Costin se retira à son tour en 1990. L'un et l'autre continuent de suivre le fonctionnement du département compétition de leur entreprise. En 1998, la partie compétition a été rachetée par Ford, la partie engeneering étant cédée à Audi. Cosworth Racing équipe trois écuries de Formule 1. L'écurie Stewart-Jaguar (autre fleuron du groupe Ford), qui dispose d'un V10 d'usine inédit. Et deux écuries de fond de grille, Tyrell et Minardi, qui, elles, disposent d'un V10 Zetec ' client ' beaucoup moins compétitif. Si aujourd'hui le motoriste Cosworth a perdu sa suprématie en F1, il reste, avec Ferrari, l'un des plus anciens partenaires de la discipline reine du sport automobile. Et l'histoire n'est pas finie. Ford a bien l'ambition de renouer avec le succès, grâce à l'écurie de Jacky Stewart. Cosworth s'est naguère penché sur le moteur de la Ford Focus de rallye WRC, avec quelques beaux succès entre les mains notamment du pilote Carlos Sainz. Quant aux voitures de route, Cosworth y a renoncé pour l'instant. Pour longtemps ?
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